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Solution au Coronavirus, ou quand le facteur humain est la seule solution contre la pandémie

Par Ludovic Herman

Temps de lecture estimé : 5 minutes

La réunion du 12 Mars des experts scientifiques, diffusée sur les réseaux sociaux et même dans Gala, annonce sans ambages qu’il existe « un risque de saturation rapide des services de réanimation dû à la dynamique épidémique exponentielle et aux durées de séjour prolongées (2 à 3 semaines) ». S’enchaîne par l’analyse projetée : « Si on laisse le virus se propager dans la population, étant donné sa forte transmissibilité, on s’attend à ce qu’au moins 50% de la population soit infecté après une ou plusieurs vagues épidémiques (Anderson et al. 2020), pour un niveau de mortalité estimé entre 0,5 et 1%. Cela correspond à des centaines de milliers de morts en France avec une surmortalité importante due à la saturation des services de réanimation. » C’est ce qui s’appelle en entreprise parler « cash ».

On peut sans surprise en dégager les 4 variables de l’équation à résoudre. Deux variables « hard » qui dépendent du médical :

  • Variable 1 : Baisse de la durée d’identification d’un vaccin ou d’un remède
  • Variable 2 : Augmentation de la capacité des services de réanimation là où il le faut  

Et deux variables « soft », pour ralentir la hauteur et la vitesse de la vague épidémique, qui dépendent du comportement de chacun d’entre nous :

  • Variable 3 : Augmentation de l’application des mesures barrières 
  • Variable 4 : Diminution (voire suppression) des contacts entre humains

L’avis des scientifiques insiste sur les variables soft. La note annonce : « Tout dépendra de l’adhésion de la population aux mesures de contrôle… Il est primordial que l’intervention remporte d’emblée l’adhésion de la population ».
 

CQFD, le problème « médical » a muté en un problème de comportement humain. Un sujet de culture, de valeurs, de calcul individuel, i.e. de tout ce qui guide nos comportements. De plus, comme le mot LIBERTÉ figure en 1er sur tous nos frontons, y toucher (même temporairement) n’est pas coton.

Je propose du fond de mon confinement, n’ayant plus de client à servir, d’exposer mon analyse de la situation pour j’espère contribuer modestement à l’améliorer.

Santé et sécurité vont souvent de pair en entreprise. Travaillant sur la culture sureté (celle des installations) et culture sécurité (celle des personnes), je vous livre mon analyse professionnelle de ce sujet qui nous touche tous à un niveau personnel. 
 

Pour améliorer la sécurité de leurs salariés, les entreprises savent qu’au-delà du « hard » (l’amélioration des installations), le « soft » (le facteur humain) est la clé des progrès. Elles posent logiquement des règles qui sauvent, découragent leur transgression par la sanction. Quant à leurs dirigeants, ils travaillent à éradiquer les croyances dangereuses (notamment le fatalisme) pour changer les comportements. 
 

L’exécutif français mène en ce moment une démarche sécurité contre le COVID-19 très proche de celle d’une entreprise. À partir d’une analyse froide, rationnelle, factuelle, probabiliste de la situation actuelle, il alimente une mobilisation chaude, émotionnelle, personnelle pour gagner l’adhésion des français.  
 

Analysons donc la méthode suivie par le gouvernement français, comme nous le ferions pour les dispositions que prendrait une entreprise pour la sécurité de ses salariés. 
 

Pour faire adopter les bons comportements en matière de sécurité, les entreprises agissent sur 2 leviers :

  • Levier 1 : Réussir à faire sens pour susciter l’adhésion. Si le salarié s’approprie le raisonnement, le fait sien, c’est gagné. Dans notre cas : si le bien fondé de rester chez soi est partagé, alors chacun se confinera drastiquement, volontairement et immédiatement. Et l’imposera même à ses adolescents.
  • Levier 2 : Réussir à rendre gagnant le comportement désiré. Dans notre cas : si le citoyen a plus d’intérêts à se confiner qu’à transgresser, c’est gagné. Si le what’s in it for me ? (coûts/bénéfices personnels) est évidente, il sera alors logique pour lui de de se confiner.

Le Levier 1 est lui le fruit de plusieurs conditions : « Nous ferons notre le raisonnement du gouvernement si…

  1. nous avons fortement confiance dans les émetteurs de ce raisonnement (politiques et scientifiques). » Cette confiance est fonction de notre perception de leurs compétences, leur exemplarité et leur bienveillance ;
  2. nous croyons dans la solidité de ce raisonnement. » Cela dépendra des preuves et des liens logiques qui supportent leurs conclusions ;
  3. nous adhérons aux valeurs et imaginaires associés aux discours. » Car ils raisonnent avec notre fond culturel, paradigme qui nous touche émotionnellement et positivement. 
     

Le levier 2 est plus mathématique. Il est le résultat d’un calcul qui se résume à une question simple : Le bénéfice (social, financier, etc.) à me conformer aux restrictions est-il supérieur au coût anticipé ?

Je dois prendre en compte dans mon calcul le risque que j’encourerais à transgresser ces restrictions. Ce risque est lui-même le produit de 2 variables : la probabilité d’être « choppé », et le coût qu’entraînerait pour moi de telles conséquences (amendes, critique sociale, etc.). Et oui ! le « pas vu, pas pris » existe aussi en sécurité.
 

Un dirigeant a un premier choix à faire : décider du levier à mobiliser prioritairement. Le levier 1 « Donner du sens à l’adhésion au confinement », ou le levier 2 « Expliciter l’intérêt à se confiner » ?  Les pays totalitaires, eux, n’y vont pas par 4 chemins. Car, comme on dit : « À la guerre comme à la guerre… alors pas de quartier quand on le patrouille ! »  

Ma perception de la situation sur ces 2 leviers, suite à mon analyse du discours du président Macron ce 16 mars et du bombardement d’infos et blagues sur les réseaux sociaux, est la suivante :
 

Levier 1.1 : la confiance dans les émetteurs (politiques et scientifiques) est meilleure qu’attendue

Pas de remise en cause de leurs compétences ni de soupçon sur leur exemplarité (pas de passe-droit, de délits d’initiés des politiques en France, etc.). Le doute ne plane pas sur leur bienveillance à notre égard, « ils souhaitent le meilleur pour nous, ou en tous les cas, éviter le pire. » Les médecins sont au « front » et non critiqués. Ceci est une très bonne nouvelle : souvenons-nous « qu’avant », la confiance dans les politiques était bien faible et qu’une proportion croissante de français hésitait à faire vacciner leurs enfants ! 
 

Levier 1.2 : la solidité de l’argumentation est forte mais achoppe sur 2 paradoxes mineurs mais bien réels

La logique implacable de l’épidémie avec ses courbes exponentielles et ses projections qui se réalisent de jour en jour est extrêmement solide. La démonstration reste toutefois affaiblie par 2 éléments dont la logique m’échappe sincèrement

  • L’organisation du 1er tour des municipales sur l’ensemble du territoire national et non sur une partie seulement fragilise l’argumentation. Je m’explique. Alors que la situation sanitaire était extrêmement différente en France d’une région à une autre, la même décision s’est appliquée partout ! Ce n’est pas du rationalisme, mais du Jacobinisme. Si le risque était de 0 en Alsace au 1er tour pour grimper ensuite, on aurait alors pu maintenir le 2nd tour dans les régions moins touchées et interdire le vote aux alsaciens pour leur sécurité. Mais si dès le départ en Alsace (ce qui était le cas) ce risque était non nul, n’était-ce imprudent de les autoriser à voter ? Que dire aujourd’hui au gros quart de votants à Mulhouse ? « Vous étiez courageux, voire téméraires, de vous retrouver au bureau de vote ce dimanche-là » ? Et pourquoi n’avoir pas ouvert le second tour aux autres régions ?
  • Le maintien des bureaux de tabac dans la liste des commerces essentiels. Pour une pathologie dont les patients meurent d’une insuffisance pulmonaire, c’est pour le moins surprenant ! Alors WTF ?! Pourquoi donc laisser les tabacs ouverts si la guerre sanitaire est déclarée ?

Levier 1.3 : adhérer à l’imaginaire du discours du Président

Le discours du 16 mars a véhiculé au moins 2 imaginaires et 3 valeurs qui, telles des images subliminales, résonnent avec notre vision profonde du monde :
 

Le 1er imaginaire fut celui de la catastrophe éphémère de type tsunami ou cyclone : exceptionnelle, violente mais temporaire   

  • Jamais la France n'avait dû prendre de telles décisions - évidemment exceptionnelles, évidemment temporaires - en temps de Paix. Elles ont été prises avec ordre, préparation, sur la base de recommandations scientifiques avec un seul objectif : nous protéger face à la propagation du virus.  
     

Le 2nd imaginaire fut celui de la guerre avec un « front » : les soignants

  • Nous sommes en guerre. La Nation soutiendra ses enfants qui, personnels soignants en ville, à l’hôpital, se trouvent en première ligne dans un combat qui va leur demander énergie, détermination, solidarité. Ils ont des droits sur nous. 

Et un corpus de 3 valeurs :

1. La reconnaissance de l’effort (des services publics), du devoir (des votants) et des sacrifices

  • Je veux ce soir remercier les services de l'État, les maires, l’ensemble des services des mairies, tous ceux qui ont tenu les bureaux de vote et qui ont donc permis l’organisation de ce scrutin. 
  • Je veux aussi saluer chaleureusement les Françaises et les Français qui, malgré le contexte, se sont rendus aux urnes… 
  • Renoncer à voir ses proches, c'est un déchirement ; stopper ses activités quotidiennes, ses habitudes, c'est très difficile. 

2. La culpabilisation des inconscients qui ont « bravé » les consignes

  • Mais dans le même temps, alors même que les personnels soignants des services de réanimation alertaient sur la gravité de la situation, nous avons aussi vu du monde se rassembler dans les parcs, des marchés bondés, des restaurants, des bars qui n’ont pas respecté la consigne de fermeture. Comme si, au fond, la vie n’avait pas changé. 

3. La demande de responsabilisation 

  • Même si vous ne présentez aucun symptôme, vous risquez de contaminer vos amis, vos parents, vos grands-parents, de mettre en danger la santé de ceux qui vous sont chers. 
     

Associé à ce discours engageant, une batterie de mesures visant à rendre économiquement possible le confinement temporaire et à sanctionner les « inconscients » tentés de croire qu’ils sont encore libres de leurs mouvements en ces temps de guerre.
 

Voici en guise d’ouverture de débat quelques étonnements qui m’inquiètent sincèrement :

  • La stratégie de communication guerrière est construite sur une hypothèse fragile : celle d’une guerre rapide, éclair. On attend « le pic qui doit arriver la semaine prochaine ! » avec l’imaginaire qu’après son passage il partira rapidement. On parle en jours (15 minimum). Cela ressemble tant à 1914, où la guerre ne devait durer que quelques semaines…! Ne faudrait-il pas désormais annoncer la forte probabilité d’une pluralité de vagues ? que le sprint va se transformer en marathon ? 
  • Le discours entier omet le sujet des tests de « dépistage ». Cette omission est un silence assourdissant. C’est un handicap dans notre système de défense. Les coréens, les allemands testent massivement. Quand serons-nous aidés par les autres pays alliés pour nous aider sur ce flan vulnérable ? 
  • La culpabilisation est une arme très dangereuse qui peut se retourner contre ses émetteurs si on l’encourage. Chercher le coupable chez les autres est une telle spécialité française, surtout en temps de guerre, que cela fait froid dans le dos. Tant que les forces de police donneront l’exemple en ne se confinant pas dans les mêmes véhicules, tant qu’elles patrouilleront à plus d’un mètre les unes des autres, tant qu’elles porteront des masques même à l’air libre, tant qu’elles sanctionneront sans ajouter (comme dans le si bon livre d’Alice Miller) « c’est pour ton bien », tout ira bien. 

Pour contacter Ludovic Herman : +33 6 22 02 34 03

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